Archives mensuelles : février 2020

Les Ikoniens et le reste du monde

Généralités
La division de la culture ikonienne en trois grandes branches après la destruction de l’archipel résulte surtout de la manière dont les survivants vécurent ce désastre ainsi que la chute de l’Hégémonie.

Ainsi, les sédentaires souhaitent préserver leur identité ikonienne mais sont conscients que les autres peuples n’ont pas oublié leur ancienne domination. Affirmer cette identité tout en évitant de se mettre à dos leurs voisins résume leur ligne de conduite. Les nomades, à l’inverse, se moquent bien d’une quelconque unité ikonienne. Issus majoritairement des couches les plus modestes de l’Hégémonie (Effectuateurs peu considérés et Indigents), leurs ancêtres ne voyaient aucun intérêt à préserver un système dans lequel on ne leur accordait guère d’importance. Les ouramans, quant à eux, pensent que l’Hégémonie aurait pu évoluer autrement, si une dimension plus collective et respectueuse de sa diversité culturelle avait pu voir le jour. Les dogmes sociaux de l’Église Séraphique et son organisation même en font, du point de vue des ouramans, le meilleur outil possible pour stabiliser les sociétés continentales et éviter dans le même temps les frictions qui causèrent la fin de l’Hégémonie. A cet égard, la guerre civile qui brisa en deux l’Empire de Celalta suscite bien des controverses au sein de la hiérarchie de la Cité Sainte.

Des relations complexes
Parmi les Ikoniens, les ouramans sont les généralement les plus entreprenants, car ils sont majoritairement persuadés que leurs cousins sédentaires et nomades devraient se tourner vers la foi séraphiste, ou en tous cas accepter l’unification de tous les Ikoniens dans un but commun : refonder une société puissante, dotée d’une culture respectée. Ils entreprennent donc souvent des campagnes de conversion dans l’espoir de resserrer les liens entre la Cité Sainte et les autres Ikoniens. L’Église Séraphique abrite pourtant son content de réactionnaires, qui souhaitent que les descendants des fondateurs de l’Église conservent la haute main sur cette institution. Si les Ikoniens issus des rangs des sédentaires ou des nomades sont les bienvenus, on rechigne à les laisser accéder aux plus hautes fonctions, et ces réactionnaires livrent depuis des générations une bataille perdue pour limiter l’ascension dans les hiérarchie des convertis issus d’autres peuples. Cependant, ces réactionnaires sont minoritaires, car la majorité des Hiérarques de l’Église est consciente qu’elle peut difficilement étendre l’influence de sa foi si elle exploite la piété des autres peuples sans leur donner une part de la grandeur et du pouvoir auxquels ils participent. Les siècles d’efforts qui ont permis l’assimilation des habitants des Protectorats montrent bien aux yeux de cette majorité que l’influence de l’Église et la restauration d’Ikonia ne sauraient être possible sans la participation de plein droit de tous ceux qui embrassent ces causes : natifs de la Cité Sainte, Ikoniens sédentaires ou nomades ainsi que les alliés et les convertis étrangers. La nouvelle Ikonia, dont l’avenir est encore bien nébuleux, se confondra pour l’essentiel avec l’Église Séraphique, et cette dernière doit déjà beaucoup aux générations de convertis qui ont contribué à son essor.

Les dirigeants de plusieurs communautés sédentaires jouissent d’une influence locale assez forte, à Bevelenus par exemple. Mais la plupart des sédentaires veulent avant tout éviter les problèmes avec leurs voisins et sont peu portés sur les grandes ambitions politiques. Il leur importe surtout de veiller sur leur communauté. Durant les premiers siècles de l’Empire, une discrimination réelle existait et les agressions ou attaques contre les Ikoniens étaient assez nombreuses. Les choses se sont lentement calmées et si une certaine prudence méfiante demeure, les frictions sont devenues bien rares en réalité. Un examen attentif de la généalogie célianne montre d’ailleurs que les mariages mixtes ont existé depuis l’aube de l’Empire, jusqu’au sein de lignées patriciennes parmi les plus prestigieuses. Cependant, pour la plupart, les Ikoniens sédentaires perpétuent les ambitions matrimoniales et les distinctions de leurs ancêtres Effectuateurs : ils s’intéressent bien plus aux rivalités internes à leurs communautés qu’au monde extérieur. Si plusieurs quartiers ikoniens sont connus pour leur hospitalité ou leur cosmopolitisme (à Celalta notamment), dans la majeure partie des cas, les non-ikoniens n’y sont guère bienvenus s’ils essaient de s’y installer.

Les clans  nomades quant à eux ne se mêlent pas de politique, évitent de prendre parti et ont tendance à privilégier avant tout les relations individuelles. S’ils demeurent circonspects envers tous ceux qui n’appartiennent pas au clan, ils se soucient peu en fait des origines ikoniennes ou non de leurs interlocuteurs. Les nomades ont déjà fort à faire avec leurs rivalités, leurs querelles de clans et la propension des autorités à les considérer comme des boucs émissaires. Les personnes extérieures au clan sont donc jugées selon leurs actes, bien plus que selon leurs origines. Il n’y a guère que lorsque des liens de sang avérés interviennent (principalement entre les clans, donc, mais aussi avec quelques communautés ikoniennes sédentaires) qu’une certaine solidarité ethnique est de mise.

Sources de tensions
Les dernières grandes flambées de violence anti-ikonienne remontent à plusieurs siècles, mais il peut encore y avoir des troubles locaux à la suite, par exemple, de délits commis par des nomades de passage. La propension de quelques familles nomades à se livrer à diverses escroqueries a suscité en effet une certaine méfiance envers l’ensemble des Ikoniens qui vivent sur les routes, de la part des autres peuples ainsi que de la majorité des sédentaires et des ouramans. A cela s’ajoute le fait que les nomades descendent en grande majorité d’Effectuateurs aux professions peu considérées, ou d’Indigents. Ils sont en majorité persuadés que de toute manière, jamais leurs cousins sédentaires ne les traiteront avec respect, sans parler des prosélytes ouramans. Comme ils ne se montrent guère zélés à l’idée de préserver les valeurs antérieures à la Chute, ou à convertir les autres à leurs croyances, les nomades sont globalement aussi peu appréciés par leurs cousins ikoniens que par le reste du monde.

Si les sédentaires évitent autant que possible de provoquer leurs voisins, des rivalités commerciales ou des inimitiés personnelles peuvent cependant attirer l’hostilité sur une communauté. Des agressions et des destructions de biens sont dans l’ordre des choses si les esprits locaux les plus échauffés pensent pouvoir compter sur la complaisance, ou même le soutien, des autorités. Les mariages entre sédentaires et non-ikoniens peuvent également provoquer des conflits, surtout si la communauté ikonienne pense qu’elle sera perdante à terme (par exemple, lorsqu’une famille de négociants aisés a pour seule héritière une jeune femme qui décide d’épouser un non-ikonien).

Les sédentaires ont également à coeur de garder à l’oeil leurs cousins ouramans, lorsqu’ils s’installent dans le voisinage ou s’y manifestent fréquemment.  Dans leur souci d’intégration, ou tout au moins d’acceptation, la majorité des sédentaires redoute que les efforts de conversion de leurs cousins venus de la Cité Sainte finissent par susciter l’hostilité des autres peuples, à commencer par les Célians. Ces derniers ont toujours été orgueilleux, et leur susceptibilité ne s’est pas arrangée avec la Guerre Civile. Le fait que l’Église incorpore de plus en plus d’étrangers dans ses rangs est perçu avec une certaine ambivalence par les sédentaires. D’un côté, cela montre que la Cité Sainte ne souhaite pas restaurer l’Hégémonie et sa discrimination ethnique avérée. Dans le même temps, on peut aussi s’interroger sur la place dévolue aux Ikoniens eux-mêmes dans les plans de l’Église. Les dirigeants de la Cité Sainte n’étant pas unanimes à ce sujet, malgré des assurances verbales réitérées, les sédentaires se montrent en général assez tièdes dés qu’on leur demande de faire davantage qu’embrasser la foi séraphiste du bout des lèvres. Leurs communautés comptent de nombreux adeptes du séraphisme, mais les plus fervents ont tendance à partir, pour rejoindre les rangs de l’Église, ou s’installer dans les territoires qu’elle contrôle.