me semblait utile d’exposer un certain nombre de choses. Je m’excuse cependant
par avance, comme beaucoup d’auteurs, j’ai tendance à débiter du signage au
kilomètre 😉
Présentation du projet Chiaroscuro, le but n’est pas de concevoir un jeu avec
un thème central induisant fortement la construction des personnages, mais de
partir de quelques idées pour ensuite élargir et diversifier les choses, jusqu’à
concevoir un univers aussi riche et multiple que possible.
fait récemment scission sont le premier jalon de ce processus. Même si d’ors et
déjà on mentionne d’autres cultures et civilisations (les brumaires, les
seifarai, les ikoniens, les déchus, les mearans, les lyrriens…), les célians, à
la source de l’Empire et de la Ligue, restent l’élément de référence et la
culture que nous allons explorer en détail dans un premier temps. Cependant,
cette exploration se fait aussi dans la perspective de chercher à concevoir des
axes de jeu afin de renforcer l’intérêt ludique de Chiaroscuro, au lieu d’en
faire un cadre essentiellement descriptif richement détaillé et accompagné d’un
système de règles. Les principaux axes
de jeu qui sont envisagés à l’heure actuelle procèdent selon une structure
architecturale assez évidente :
Le premier axe de jeu proposé va
s’intéresser surtout aux conséquences politiques de la guerre civile qui a
permis l’émergence de la Ligue dix ans auparavant. La campagne test « le
Destin des Maranteo » est centrée sur l’avenir d’une petite maison noble,
prise dans un complot et dont les membres (à savoir les PJ) vont devoir assurer
la survie, voire même l’ascension vers une position plus glorieuse. Aborder de
l’intérieur les coutumes et conventions qui régissent les patriciens de l’Empire
me permet de décrire et rendre cohérent le contexte social et culturel qui
entourera les personnages des joueurs. En développant ce contexte une dizaine d’années
après la fin d’une guerre civile, une place importante est également réservée à
des concepts comme l’injustice, la rétribution et la vengeance.
Références : A titre d’information,
des romans comme « la trilogie de l’Empire » de Raymond E. Feist et
la sage de « Dune » de Frank Herbert sont d’excellentes sources d’inspiration
pour cet axe, mais je citerais aussi bien évidemment, quand on s’intéresse à la
vengeance, notre vieil ami le Comte de Monte Cristo. Enfin, dans un tout autre
registre, le manga Kenshin le Vagabond (dans son premier cycle) fait la part
belle aux conséquences à long terme que peuvent avoir les actes d’un homme au
cours d’une guerre civile… et les relations qu’il entretient avec ses anciens
alliés, et ennemis…
Aventures
Un second axe de jeu fortement
lié à cette même perspective surtout faite d’intrigues repose sur les
condottieri, les gentilshommes de fortune. Mercenaires, nobles déchus ou gens
du peuple ambitieux, on en revient au concept du groupe d’aventuriers, aux
prises avec les désirs de puissants mécènes et les conflits d’intérêts. Cet axe
n’est pas développé explicitement à l’heure actuelle dans mon idée, mais le
système de création de personnages et la description du contexte visent à permettre
à un meneur de l’employer sans aucune difficulté, en l’entrelaçant s’il le
souhaite avec l’axe noble. Ou au contraire, d’en rester au concept d’aventuriers
itinérants, qui vont peut-être s’efforcer d’obtenir une position sociale
officielle ou une influence officieuse en se trouvant des alliés utiles et en
faisant leur trou. La littérature et les références, rôlistiques ou non, sont
très nombreuses en la matière, et il s’agit certainement de l’axe de jeu qui
demandera le moins d’adaptations aux meneurs et qui offrira le plus de
transpositions possibles. En fait, il est tout simplement induit par le fait
même qu’on s’intéresse à… du jeu de rôles. Si vous espériez un soupçon d’innovation
dans ce domaine, ma foi… je crois que vous allez être déçus 😉
Frontières
Les deux axes « noblesse »
et « aventures » quant à eux peuvent se connecter facilement à ce
troisième axe. Dans les franges occidentales de l’Empire, on trouve par exemple
la marche brumaire, où des colons tentent depuis plusieurs générations de
prospérer, au voisinage des tribus hostiles ou réticentes à embrasser la
culture des étrangers. Cet axe éloigne sensiblement les PJ des régions
civilisées et les place face à des enjeux liés à des impératifs de survie, d’accaparement
de certaines ressources, de choc culturel et de voisinage. Nobliaux sans
avenir, colons industrieux, amateurs d’exotisme, criminels en fuite, métis
barbares, transfuges, missionnaires, explorateurs, conquérants en herbe
constituent autant de possibilités (et de divergences d’intérêts) parmi les
plus évidentes pour créer des personnages. Ils seront livrés à eux-mêmes et devront nouer
de fructueuses alliances tout en prenant garde à des opposants qui peuvent être
aussi bien issus de leur propre culture qu’étrangers. On peut trouver une
perspective de développement similaire, avec une autre touche d’exotisme, dans
le Pays Déchu au nord de la Ligue, région disputée par cette dernière ainsi que
par quelques puissances locales dont la puissante Eglise Séraphique, tandis que
les descendants des clans originels tentent de survivre après des siècles de
conquête et de disputes qui ont éradiqué jusqu’à leurs racines culturelles.
Pour les amateurs d’aventures maritimes, l’archipel de la Mosaïque avec ses
deux ethnies locales et ses innombrables ilots constitue également un terrain d’action
intéressant.
Références : on peut citer plusieurs des
nouvelles de Robert Howard, notamment dans le cycle de Conan durant ses
aventures dans les terres pictes (au-delà de la rivière noire, lune de sang…)
mais aussi à travers les aventures de ses personnages Bran Mak Morn et Cormac
McFitzGeoffrey. Pour les collectionneurs de vieux jeux de rôle, on peut aussi
trouver des choses intéressantes dans la gamme Thieves’ World (avec la cité
frontalière de Sanctuary, à la fois isolée et très impliquée dans les affaires
de haute politique) ou la mini-campagne Borderlands pour le jeu Runequest (dans
laquelle les PJ sont employés par un noble lunar qui tente d’implanter son
domaine au cœur des terres barbares). Je trouve ces vieux ouvrages très « old
school » mais ils ont conservé un certain charme et la personne dont vous
lisez les mots aujourd’hui s’en était nourrie pour tout autre chose il y a bien
longtemps 😉
Exotisme
exhaustive des cultures céliannes (Celalta et la Ligue) est développée à l’heure
actuelle, mon intention est d’aborder par la suite plus en profondeurs les
autres peuples. Évidemment, ceux qui sont déjà impliqués dans l’axe des
frontières voient leur traitement induit d’office et il sera probablement assez
détaillé. Cependant, l’exotisme ne se trouve pas seulement aux franges des
terres céliannes. Des étrangers (mercenaires, négociants, esclaves, diplomates…)
séjournent également dans les terres de l’Empire ou de la Ligue, et ils
représentent autant d’occasions d’aborder d’autres coutumes, d’autres mœurs.
Enfin, il y a l’exotisme propre à la culture célianne elle-même. Bien que
fortement teintée d’antiquité gréco-romaine et de moyen-âge italien, cette
culture – notamment à travers certaines coutumes et plus particulièrement les
croyances religieuses qui l’imprègnent – n’est pas dépourvue d’aspects
dépaysants. En résumé, l’exotisme concerne aussi bien le cadre familier des
personnages (mais pas des joueurs…) que les rapports noués avec des
représentants de peuples étrangers. Chiaroscuro s’attache à développer un monde
ou les humains sont l’élément central, mais petit à petit, par touches
progressives, je m’attacherais à ajouter des créatures plus fantastiques, en
veillant à chaque fois à leur impact sur les concepts existants, de manière à rendre le monde plus riche sans qu’il devienne plus incohérent. L’exotisme endogène
et exogène est à mes yeux la principale « couleur » de Chiaroscuro,
pour le dire explicitement. En essayant de jouer à la fois sur la familiarité
et l’étrangeté.
Références : Ma principale muse en la matière est tout simplement mon auteur
favori depuis des décennies, Jack Vance. Chiaroscuro (et plus généralement une
bonne partie de mes travaux d’écriture et de rôle depuis très longtemps)
doivent énormément à cet auteur découvert par hasard durant mon adolescence. Je
ne saurais trop recommander le cycle de Lyonesse et celui de la Terre Mourante,
pour les amateurs de civilisations historiques revisitées ou de cultures
franchement étranges. Mais dans une moindre mesure, toute l’œuvre de Vance, y
compris les aventures spatiales de certains de ses héros, repose sur l’exposition
de ses personnages à des coutumes, des mœurs, des contraintes qui peuvent être celles
de leur propre société ou imposées par le cadre dans lequel leurs aventures les
feront évoluer. La geste des princes démons, Emphyrio, un monde d’azur, le
cycle de Durdane par exemple abondent en anecdotes sur la relativité des
valeurs et des croyances.
Mystère
mais cela ne signifie pas qu’il en est dépourvu. Certains font ou feront l’objet
d’un traitement détaillé à l’intention des meneurs, d’autres se verront exposés
à travers plusieurs alternatives possibles. Elles permettront ainsi au meneur
de conserver le cadre présenté, mais d’en définir ses propres coulisses en
fonction de ses besoins. Dans le même temps, ces « secrets » n’ont
pas à être exploités ni même abordés si on ne le désire pas. Ils ne sont pas le
cœur du contexte, juste un de ses éléments constitutifs. Certains sont faits
pour être découverts si on les emploie, d’autres servent juste à fournir au meneur une perspective de réflexion pour ses propres travaux. A l’inverse, si l’on
lie cet axe aux précédents, tout ce qui concerne des secrets plus prosaïques
(savoirs techniques ou ésotériques, crimes dissimulés, implication de factions
occultes ou connues dans certains évènements…) peut facilement être mélangé et
donner du liant, ou même des perspectives de jeu, dans Chiaroscuro. Un simple
secret politique ou magique peut constituer à lui seul un enjeu majeur, voire
central, dans une campagne qui peut aussi bien concerner des patriciens que des
plébéiens, se dérouler au cœur de la cité de Celalta ou au fin fond des terres
brumaires, par exemple. Certains secrets peuvent avoir un impact considérable,
par les possibilités ou simplement les révélations qu’ils offrent. L’Eglise
Séraphique garde certainement à l’abri les techniques qui provoquèrent l’invocation
des Grands Séraphins et la destruction de l’archipel d’Ikonia, à moins que
certains des descendants de cette nation autrefois puissante soient à la
recherche de cet ancien pouvoir. On sait par ailleurs que les Seifarai d’au-delà
des mers pratiquaient une magie noire terrifiante, avant de sombrer doucement
dans la décadence. Et si les frontières de l’Empire jouxtent la grande forêt de
Primasilva, personne depuis plus d’un millénaire n’est parvenu à s’aventurer
jusqu’en son cœur, là où résiderait Mère Sylve… mais il existe aussi des
secrets plus à la portée de bien des gens, et donc bien plus susceptibles de
créer des complications. Chacune des écoles qui enseigne la magie quarte crée
ses propres sortilèges dont elle veut conserver le monopole, par exemple. Et ne
parlons pas, dans un tout autre domaine, de tous les squelettes qui se cachent
dans les placards des maisons nobles de l’Empire et de la Ligue, dont certains
remontent à bien avant la guerre civile. La manière dont on amène certaines
découvertes ou révélations est souvent tout aussi importante, si ce n’est plus,
que leur nature.
Références : je citerais deux cycles de romans heroic-fantasy
très bien conçus sur le principe de la révélation majeure : l’arcane des épées (Tad Williams) et les
royaumes d’épine et d’os (Gregory Keyes). Cependant, les amateurs de crimes
surnaturels (ou présentés comme tels) ou d’aventures plus policières pourraient
trouver pas mal de choses intéressantes dans les romans médiévaux de Serge
Brussolo (notamment le château des poisons et l’armure de vengeance).
Chiaroscuro est envisagé de manière à
permettre des aventures épiques à ceux que cela intéresse. Par « épiques »
il faut entendre que les joueurs peuvent peser sur le destin d’une nation, voire
davantage, ou découvrir des choses qui leur donneront un ascendant considérable
et que leur impact pourrait bien changer définitivement une partie du contexte
en profondeur. Cependant, cette perspective épique n’est pas du tout un
pré-requis et je travaille dans l’idée qu’il est également souhaitable de jouer
à des « niveaux » plus modestes, autant en prélude à des campagnes
épiques que pour rester à un certain « niveau » d’impact lorsque les
joueurs agissent, ou n’agissent pas. Le contexte est décrit de manière à
montrer qu’un tas de choses vont certainement, ou risquent probablement, de se
produire dans un avenir proche… mais elles n’ont rien d’obligatoire. Le jeu
peut tout aussi bien placer les PJ au cœur de certains évènements majeurs, que s’intéresser à leurs choix plus personnels, laissant les histoires de
nations ou de révélations en tâche de fond, voire dans l’obscurité la plus
complète si elles n’intéressent pas le meneur ou les joueurs. Il s’agit juste
de possibilités, d’opportunités. A utiliser, ou pas.
que nourrie par les retours du reste de l’équipe et des joueurs impliqués dans
les tests menés depuis plusieurs mois. A ce jour, je suis bien incapable de
certifier que tout cela répondra à mes attentes, sans parler des vôtres. Mais j’ai
l’impression d’aller plutôt dans la bonne direction …
qui me sont faits durant les démos ou les échanges avec d’autres rôlistes,
revenir tranquillement sur certains points et les changer si nécessaire.
Toujours contente de voir comment ta réflexion se développe ! Je note donc : noblesse, exotisme, frontière et mystère 😉 … Exotisme & frontière ne sont-ils pas un peu proches ? … si on ajoute que le mystère & les terres inconnues & exotiques ça semble aller bien ensemble… j'aurais tendance à voir l'univers comme approprié au voyage d'un groupe de nobles vers des terres & civilisations inconnues et mystérieuses … quoi il ne fallait pas tout cumuler dans une seule chronique ? … 😛
Sinon une aide à la conception de chroniques & intrigues pour mettre en jeu ces thèmes, ça pourrait être bien … dans le futur 😉
salut, toi 🙂 Pour te répondre, on peut effectivement trouver plein de similitudes entre l'exotisme et le voyage, mais je pense que le dépaysement en jouant dans une culture "familière mais différente" avec ses idiosyncrasies, peut aussi être de l'exotisme.
Je n'ai pas encore songé à déplacer des nobles vers de nouveaux horizons, mais ça pourrait être un enjeu intéressant sur la thématique "allez donc vous établir au bout de nulle part" (il y a d'ailleurs le vieux film "the war lord" avec Charlton Heston qui est assez intéressant dans ce genre) ou même "fuyez très loin avant qu'on vous rattrappe". Tu vois, on peut effectivement cumuler 😉
Pour les aides de jeu, j'en suis pas encore là, comme tu dis "dans le futur" 😉